Dans la gestion de la Supply Chain, les ruptures de stock sont souvent perçues comme une fatalité — une conséquence naturelle de la volatilité de la demande et des perturbations logistiques. Beaucoup de professionnels du secteur les considèrent comme inévitables, faisant simplement partie du quotidien. Mais mesurons-nous réellement tout leur impact ?

Même les géants de la distribution comme Walmart connaissent bien le phénomène et en subissent les conséquences. En 2014, l’entreprise a perdu près de 3 milliards de dollars de ventes potentielles à cause de ruptures de stock (Rosenblum, P. 2014, 15 avril. Walmart’s out of stock problem: Only half the story? Forbes). Plutôt que de s’y résigner, Walmart a décidé d’agir. En optimisant ses processus de planification, le groupe a réduit les ruptures de stock de 16 %, limitant ainsi les ventes perdues l’année suivante.

Mais combien de planificateurs prennent réellement le temps de faire un pas de côté pour évaluer le coût des ruptures et les causes qui les alimentent ? Repenser les ruptures non plus comme un mal nécessaire, mais comme un défi surmontable, peut transformer la façon dont les retailers pilotent leurs stocks.

 

La réaction du client : que se passe-t-il en cas de rupture de stock ?

Une étude de Corsten et Gruen (Corsten, D., & Gruen, T. W., 2004. Stock-Outs cause walkouts. Harvard Business Review, 82(5), 26–27) révèle que les clients réagissent de quatre manières face à une rupture de stock. Certains choisissent un produit de substitution ou attendent que l’article soit à nouveau disponible — des réactions qui ont un impact limité sur l’entreprise.

Mais les deux autres comportements peuvent avoir de lourdes conséquences : une partie des clients potentiels abandonne tout simplement son achat. Et une proportion significative se tourne directement vers un concurrent pour se procurer le produit ailleurs.

 

Réactions des clients face aux ruptures de stock

 

Ces résultats montrent qu’un client peut se révéler bien moins fidèle que ce que les retailers imaginent. Cette réaction entraîne une perte de marge totale sur ces achats potentiels et nuit gravement à la confiance envers la marque.

Le premier coût visible d’une rupture de stock, c’est le manque à gagner. Les recherches montrent que les ruptures entraînent en moyenne 4 % de ventes perdues (Corsten & Gruen, 2004). En 2021, les distributeurs de produits de grande consommation (CPG) ont même perdu 7,4 % de leurs ventes à cause des ruptures (NielsenIQ, 9 février 2022. CPG retailers lost out on 7.4% in sales to Stock-Outs in 2021. Food Manufacturing).

Au-delà de l’impact sur le chiffre d’affaires, les ruptures génèrent aussi des coûts opérationnels. Expéditions urgentes, commandes de dernière minute, gestion de crise pour rétablir la disponibilité : ces actions pèsent rapidement sur la marge. Si ces coûts sont mesurables, le préjudice intangible sur l’image de marque et la confiance client peut être encore plus lourd.

Face à ces risques, le coût de la prévention — via une meilleure gestion des stocks et des investissements proactifs — peut s’avérer bien plus rentable que ce que beaucoup de retailers pensent.

 

Les pièges de la planification des stocks et comment les éviter

Les ruptures de stock semblent souvent liées à des éléments externes tels que des pics de demande, des perturbations de la Supply Chain ou des événements mondiaux. Pourtant, une analyse plus approfondie révèle que 72 % des ruptures trouvent leur origine dans des problèmes de planification internes et évitables (Corsten & Gruen, 2004).

Parmi les causes fréquentes de ces défaillances de planification, on retrouve notamment :

  • Systèmes obsolètes : de nombreuses entreprises s’appuient encore sur des systèmes anciens, conçus pour des processus de planification statiques. Ces outils peinent à s’adapter aux défis actuels de gestion des stocks, rendant l’optimisation difficile ;
  • Biais humain dans les commandes : lorsque les décisions d’achat reposent sur l’intuition plutôt que sur les données, cela crée des déséquilibres — soit un surstockage qui immobilise de la trésorerie, soit des ruptures entraînant des ventes perdues et des clients déçus ;
  • Processus de commande décentralisé : lorsqu’un manager de magasin gère les commandes de manière autonome, cela lui prend du temps au détriment de l’expérience client. Et sans processus standardisé ni gestion centralisée des données, les écarts dans les niveaux de stock se multiplient, générant des inefficacités à grande échelle.
  • Même dans les systèmes centralisés, des failles subsistent : politiques de commande figées, mauvaise qualité des données, … Autant de points qui empêchent les distributeurs de s’adapter rapidement à l’évolution de la demande.

Les 28 % restants des ruptures sont liés à des problèmes de planification de la chaîne d’approvisionnement : gestion inefficace de l’espace en rayon, lancement produit mal synchronisé, ou encore perturbations externes. Autant de risques qui peuvent être atténués grâce à une planification proactive et pilotée par la donnée.

 

Une nouvelle approche pour la planification moderne

Pour limiter les ruptures de stock, les entreprises peuvent concentrer leurs efforts sur plusieurs leviers à fort impact immédiat :

  •  Affiner la planification de la demande : nettoyer l’historique des ventes des valeurs aberrantes, classer les produits pour appliquer les bonnes méthodes de prévision et enrichir les prévisions avec des données externes si nécessaire ;
  • Améliorer les prévisions grâce à l’IA : les algorithmes intelligents permettent aujourd’hui d’atteindre une précision bien supérieure à celle des techniques traditionnelles ;
  • Adopter une logique de commande pilotée par la donnée : réduire le biais humain permet de mieux équilibrer les niveaux de stock et d’éviter à la fois surstock et ruptures ;
  • Gérer les stocks en fonction des niveaux de service : au lieu de s’appuyer sur un nombre fixe de jours de couverture, des stocks de sécurité dynamiques assurent un bon équilibre entre disponibilité et rentabilité ;
  • Centraliser le réapprovisionnement : des processus standardisés améliorent l’efficacité, réduisent les erreurs et libèrent les managers pour qu’ils se concentrent sur les clients.

Les ruptures de stock sont un défi bien connu dans la distribution, mais elles ne sont en rien une fatalité. En comprenant leur véritable coût — au-delà des ventes perdues, les dégâts à long terme sur la fidélité client et le positionnement face à la concurrence — les retailers peuvent enfin les voir comme un problème à résoudre, et non comme une conséquence inévitable.

En adoptant une approche segmentée et pilotée par les données, il devient possible de trouver le bon équilibre entre éviter les ruptures et ne pas surstocker. À la clé : des relations clients renforcées, de meilleures performances financières et un réel avantage concurrentiel.

Les rayons vides ne doivent plus être la norme. Avec la bonne stratégie, ils peuvent devenir un lointain souvenir.

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